Estuaire

 

Finir à l'embouchure
toujours au bord d'une terre perdue
aveuglée par l'aval
et rêvant la troisième rive
Croire encore au fleuve
à ses fruits brefs à ses soulèvements
En fin de course, en fin de continent
à la table instable de l'estuaire
où tout déferle sans mesure
livrée à la confusion des signes
à leur immersion
Finir en ces reflets de lumière engloutie
au confluent des leurres
coulées laiteuses sur les pierres
d'une histoire noyée
Un cosmos de coupoles
pour la beauté promise
Hautes paroles sous les voûtes
Rêve trop grand pour ce siècle
pour ce qui erre encore
dans l'haleine des eaux
orangers oraisons
cithares satins et ctécelles
norias et bûchers
et l'ombre portée des parias
sa lente démesure
qui va vers l'autre rive
Finir étale mais l'espace
la mémoire folle
et l'afflux qui fait mal
comme un lait de douleur
un pollen qui étouffe
une langue impossible
Comme revenir à la source
qui dort sous le glacier
où craque la débacle
Finir par perdre mot
dans ce pays sans fond
mâchant l'embouchure
les mains qui s'abandonnent
et seuls les yeux qui fixent
irréfutables
cette boue de mots qui brille
sous le soleil ultime
ce puits de soleil blanc
où s'abîme assoiffée
une terre sans nom

 

 

 

Jacqueline Saint-Jean, Rivaginaires n° 27, 2002

 

 

 

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© Isabelle Saint-Jean, Février 2003
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