Tu es né pierre
gorgée de songes bleus
repue de soleil ricochant
aux flaques de l'enfance
Petite argile chaude
roulant sous la paume des jours
tu ignorais tout des cordes
qui cassent
et tes chemins allaient sans verrous
La nuit alors te parlait en langue
de pluie
Tu dormais dans le limon
souple des sourires
Le monde était une nasse tiède
où tu puisais sans hâte
la sève
et la nuit qui te fonde

 

 

 

On t'avait posé
là lumineux au pays des pierres
pour la transhumance décisive
du feu
Tu étais affamé
Tu criais à la caresse âpre
de la glaise
Tu étais nomade
solaire apprivoisant
le sel
Mais tu sentais
sans savoir encore
la nuit grignoter tes refrains de source
Ta déchirure n'avait
alors qu'un seul
visage

 

 

 

Chaque jour creusait son cratère
d'ombres
autour de tes murmures
Tu y plongeais comme on explore
le doute
Tu sentais le feu déserter
les herbes rouges de ta mémoire
Tu refusais
encore la litanie du vent
et modulais dans un souffle
tes comptines de bois
et de souffre
Alors l'ogre sortit son burin
de lave
pour ciseler ta face
et morceler ton chant

 

 

Isabelle Saint-Jean, Rivaginaires n°24, 1999

 

 

 

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© Isabelle Saint-Jean, Septembre 2000
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